Jacques Brel et Sciences Po, dix ans déjà !

le 31 janvier 2012 :: A La Courneuve

Voilà déjà 10 ans que des élèves du lycée Jacques Brel de La Courneuve, après une procédure d'entrée très sélective fondée sur la réalisation d'un dossier de presse et sa soutenance devant deux jurys successifs, intègrent l'IEP de Paris bac en poche pour un parcours de 5 années de formation, dont une à l'étranger. Au total, ce sont 5 générations qui sont déjà diplômées de Sciences Po, et autant qui sont actuellement engagées dans leur scolarité.

Tel est le résultat des conventions d'éducation prioritaire, un dispositif mis en place par Sciences Po à partir de 2001 avec 7 lycées de France situés en ZEP et volontaires pour s'embarquer dans cette aventure. Le lycée Jacques Brel franchit le pas dès l'année suivante, sous l'impulsion de Sylvie Beaud, professeure en Sciences Economiques et Sociales. Il s'agit-là d'une réforme "révolutionnaire" pour le très élitiste et très parisien Institut d'alors, qui grâce à la détermination de Richard Descoings, son directeur, et de Cyril Delhaye, par ailleurs ancien professeur du Collège Jean Vilar, qui a porté ce projet. Cette nouvelle procédure de recrutement va peu à peu contribuer à transformer la sociologie des bancs de cette grande école : chaque année, entre 50 et 70% des admis sont des enfants de chômeurs, d'ouvriers ou d'employés, les 3/4 sont boursiers, et les 2/3 ont au moins un parent né hors de France. Elle contribue ainsi à prouver au reste du monde de l'enseignement supérieur et, au-delà, à la société toute entière, que les lignes peuvent bouger, à condition de faire preuve au départ d'un véritable volontarisme.

De nombreux anciens élèves de Brel ayant bénéficié de cette voie d'entrée étaient au rendez-vous anniversaire de leur ancien lycée samedi dernier pour témoigner de leur réussite. J'ai pris un grand plaisir à partager ce moment avec eux : chaque année, j'essaie de participer au jury de pré-sélection. Je connais bien, pour l'avoir eue moi-même comme prof, Sylvie Beaud; mais surtout, quel bonheur d'entendre ces élèves! Leur parcours - carrières juridiques, internationales, concours de la fonction publique, secteur de la finance, ressources humaines, grands groupes... - sont aussi divers que leurs histoires de vie. Pluriels, comme on aimerait que le soit davantage le monde des élites dirigeantes dans notre pays. Ce qu'ils sont devenus, ou les réussites qu'ils sont en train de bâtir, ne laissent aucune place au doute: ce dispositif est un succès ! Les anciens étudiants qui en sont issus réussissent tout aussi bien et au cours de leur scolarité et en termes de débouchés, leur recrutement s'effectuant dans les secteurs habituels de Sciences Po.

Je crois que cette convention constitue un atout formidable pour notre ville, dont elle contribue à porter les couleurs de manière positive à l'extérieur du Département, pour les équipes éducatives qui retrouvent la possibilité d'ouvrir un large éventail de portes sur l'avenir, et bien évidemment pour tous les jeunes, qui constatent que l'orientation d'excellence n'est exclue pour aucun élève brillant et que "le plafond de verre" n'est pas une fatalité.

Grâce à l'investissement des professeurs, qui croient en ce projet et en les capacités de leurs élèves, et dont l'engagement va bien au-delà de la simple transmission magistrale de savoirs pour accompagner ces derniers dans le dépassement des mécanismes d'autocensure, cette convention, ainsi que toutes celles qui ont été signées en Seine-Saint-Denis (Auguste Blanqui à Saint-Ouen, Jean Zay à Aulnay-sous-Bois, Louise Michel à Bobigny, Eugène Delacroix à Drancy…) et ailleurs, ont permis de briser un certain tabou français. Elles ont invité la mixité sociale et culturelle là où elle semblait la moins évidente, et elles ont permis à ces jeunes de faire valoir leurs compétences au plus haut niveau.



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