Mobilisation de terrain pour Martine Aubry à La Courneuve

le 20 septembre 2011 :: A La Courneuve

Aujourd'hui, je vous invite à prendre connaissance de l'article d'Aline Leclerc publié sur le blog Urbains sensibles du Monde qui relate le porte-à-porte à La Courneuve.

"Ils se sont donné rendez-vous rue Renoir, en bas de ces nouvelles petites résidences HLM de quatre étages qui ont poussé sur les ruines de la barre détruite en l'an 2000. Beaucoup des anciennes familles de la barre Balzac y ont été relogées. Une pile de tracts à l'effigie de Martine Aubry sous le bras, une centaine d'autres dans un sac plastique, et d'ingénieuses affichettes conçues spécialement pour s'accrocher aux poignées des portes qui ne s'ouvriront pas.

Ils sont quatre, tous habitants de La Courneuve : Stéphane Troussel, conseiller municipal PS et premier vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Christophe Piercy, assistant du député PS Daniel Goldberg venu en simple militant, André Joachim, secrétaire de la section PS de La Courneuve et proviseur de lycée à Aubervilliers, et Victor Alzamora, militant PS et gestionnaire du collège Raymond Poincaré. En ce vendredi 16 septembre, lendemain du premier débat télévisé entre les six candidats à la primaire socialiste - succès d'audience surprise - ils s'en vont pendant deux heures frapper à toutes les portes des quatre porches de la résidence de la cité des 4 000, évangéliser.

Ce soir-là, ça commence on ne peut mieux. A peine entré dans la courette, Stéphane Troussel, bien connu des locataires car ce Courneuvien, réélu aux dernières cantonales, est également président de l'Office public de l'habitat de Seine-Saint-Denis, est interpellé par une jeune fille : "Y'a des élections pour le PS bientôt, non ? Parce que j'ai rien reçu dans ma boîte aux lettres... " L'élu, comblé de tant d'enthousiasme, explique : "Vous savez c'est une élection un peu différente des autres. Ce n'est pas une élection officielle et ce n'est ni la mairie, ni l'Etat qui l'organisent, c'est le PS tout seul. Donc vous ne recevrez pas comme d'habitude tout le matériel de vote... Vous votez où habituellement ? - Au groupe scolaire Langevin-Wallon... - Alors, nous n'avons pas obtenu de la mairie [communiste] qu'elle nous prête les écoles. Donc le 9 octobre, il faudra aller voter à la boutique de quartier John Lennon, près du centre culturel, vous voyez ?" Elle acquiesce, reprend son chemin en promettant d'y être. Le 9 octobre, quatre bureaux de vote seront installés à La Courneuve pour la primaire.

"C'est tout à fait surprenant" confie Stéphane Troussel. "On commence seulement le porte-à-porte. Si on m'avait demandé il y a encore dix jours si je pensais que ça passionnerait les Courneuviens, je n'aurai pas pris les paris. La vie des gens peut être tellement dure ici, leur demander d'aller voter pour la primaire peut paraître un peu décalé, surtout qu'il faut payer un euro."

La petite équipe monte dans les étages. Après un bref coup de sonnette, l'entrée en matière est chaque fois la même : "Bonsoir, Stéphane Troussel du Parti socialiste. Vous avez entendu parler de la primaire ?"

Faire battre Nicolas Sarkozy

"J'ai vu le débat" répond une souriante quadragénaire à l'accent créole. Voilà déjà le chemin à moitié parcouru. L'élu continue : "Le 9 octobre, tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales sont invités à choisir le candidat pour faire battre Nicolas Sarkozy..." Succès assuré auprès des habitants de la cité des 4000 qui gardent un fort mauvais souvenir de la visite de l'ancien ministre de l'intérieur, en 2005, et de sa promesse, non tenue, de "nettoyer la cité au Kärcher". "Sarkozy, il faut le jeter, il a mis la France malade" approuve aussitôt la mère de famille.

Stéphane Troussel tend alors un tract de 8 pages avec une grande photo de la maire de Lille et enchaîne : "Alors, moi je vous invite à voter pour Martine Aubry. Parce que c'est une femme solide, combattante et qui a fait beaucoup de choses : les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU, c'est elle. Elle est venue me soutenir lors des cantonales vous vous souvenez ?"

"Et pourquoi pas Ségolène Royal ?"

Le discours est le même à chaque étage : donner la date, indiquer le bon bureau de vote, expliquer qu'il faut payer 1 euro. Puis évoquer Martine Aubry comme une femme "solide et combattante, qui a fait les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU", "parmi les mesures les plus utiles pour les habitants des quartiers populaires comme les nôtres".

L'échange avec les locataires est parfois cocasse. A l'étage du dessus, c'est une grand-mère, foulard noué sur les cheveux et pointe d'accent maghrébin qui ouvre sa porte. "M.Troussel, comment ça va ? - Bien et vous ? Avez-vous entendu parler de la primaire du parti socialiste ?" "La primaire ? Bien sûr que je connais la primaire, ma belle-fille elle a six enfants en primaire !" L'élu sourit : "Non pas cette primaire là..." Comprenant sa méprise, la vieille dame éclate de rire. Elle l'invite à entrer. Il refuse poliment.

"Vous avez vu le débat à la télé?" poursuit Stéphane Troussel. "Oui, j'ai écouté ce que disait Ségolène Royal... et tous les autres..." répond la dame hésitante. "Alors moi j'ai plutôt décidé de soutenir Martine Aubry" rétorque Stéphane Troussel sans se démonter. Il a visiblement l'habitude que le nom de la candidate de 2007 surgisse dans la conversation. "Et pourquoi pas Ségolène ? Je l'aime bien... Elle est plus connue". Il reprend le discours sur la femme combattante, les 35 heures, la CMU... "Et là, sur la photo, vous avez reconnu où elle se trouve Martine Aubry ? demande Christophe Piercy en montrant le tract. "Bien sûr, que je reconnais, c'est en bas, près du Mail". Au bout de quelques minutes, elle sourit : "Bon d'accord, on va la soutenir. On est avec vous, vous savez !".

Dans le porche suivant, un jeune homme d'une vingtaine d'années, cheveux mi-longs, torse nu, short de sport, ouvre la porte. Lui n'est au courant de rien. "Vous avez déjà voté?" "Oui, une fois". Stéphane Troussel reprend son discours sur la femme combattante mais sent son interlocuteur moins attentif. "Vous voulez en finir avec Nicolas Sarkozy, n'est-ce-pas ?" Là, ils sont d'accord. Il prend le huit pages. "Ce sera toujours mieux que Sarko d't'façons..." lance le jeune homme. "Alors il faudra payer un euro..." explique le conseiller général. Le jeune homme s'absente quelques secondes, revient pièce en main. "Ah non, c'est le jour même qu'il faudra payer, d'accord ?"

Le socialiste propose de prendre les coordonnées du futur électeur pour le rappeler le 9 octobre afin qu'il n'oublie pas d'aller aux urnes. Il accepte de bonne grâce, une chose de moins à penser. C'est ainsi qu'en quelques heures, l'élu recueillera noms et téléphones de plusieurs jeunes, volontaires pour être re-contactés. Le jeune demande soudain : "Mais vous pouvez pas aider mon frère à avoir un appartement ? Ça fait trois ans qu'il a fait sa demande, il a quatre enfants." "Je ne vais pas vous mentir, c'est compliqué, vous savez", rétorque le président de l'office HLM. "Sans compter que certaines familles qui vivaient à Balzac ont été relogés dans la vieille barre du Mail et attendent un appartement neuf..."

Régulièrement les difficultés quotidiennes surgissent ainsi au milieu de la conversation. L'ascenseur qui a été en panne une semaine immobilisant cette dame qui a des difficultés à marcher. Des coups de feu qui selon une locataire ont retenti récemment dans la rue. Et la vie impossible avec 850 euros de retraite. "Pourquoi aller voter Monsieur Troussel ? C'est toujours pareil, on change un cheval borgne contre un aveugle. On a été déçu, on a été déçu par tellement de choses à La Courneuve, Monsieur Troussel..." confie le retraité découragé. L'élu écoute. Puis rebondit : "Mais c'est pour ça qu'il ne faut pas laisser faire Nicolas Sarkozy. Il faut changer ! Vous avez vu encore la hausse des mutuelles de 7 % ?" Ça oui, le couple, qui a de bien mauvaises dents, a bien noté.

"Pensez-vous que les Français sont prêts à faire élire une femme ?"

Après près de deux heures de porte-à-porte, Stéphane Troussel finit par céder à l'une des nombreuses invitations d'un des locataires à entrer. Pendant plusieurs minutes, il échange avec trois femmes de trois générations sur les élections, Nicolas Sarkozy, DSK, le débat, l'ascenseur en panne pendant une semaine, les rats qui courent partout depuis la démolition de la barre Balzac... "Je peux vous poser une question, lance soudain la plus jeune. Pensez-vous vraiment que les Français sont prêts à faire élire une femme ?" "Bonne question, répond Stéphane Troussel. "Regardez, Barack Obama a bien été élu président des Etats-Unis, qui l'aurait cru !"

"Et nous, on est obligé de participer ?" demande une locataire. "Non vous n'êtes pas obligés mais je pense que plus il y aura de gens qui participent plus celui ou celle qui sera choisi aura de la force pour aller battre Nicolas Sarkozy" répond l'élu. Sentant qu'il n'a pas totalement convaincu, il ajoute : "Et moi, pourquoi je veux qu'en particulier les habitants de La Courneuve, les habitants de nos quartiers y aillent ? C'est que je veux aussi que le candidat du parti socialiste sache que c'est d'abord les intérêts des gens d'ici dont il faut s'occuper, c'est les habitants des quartiers populaires dont il faut s'occuper d'abord si la gauche veut réussir. Donc plus il y aura de gens de nos quartiers qui participent, plus l'année prochaine on pourra rappeler à la gauche qu'on attend beaucoup d'elle ici, vous comprenez ?"

Une centaine d'appartements seront ainsi visités en quelques heures par les quatre socialistes. La plupart des locataires, attentifs au discours, promettront d'aller voter. "C'est bien, mais je sais que cela ne veut pas dire pour autant qu'ils viendront tous le 9 octobre!" tempère Stéphane Troussel qui connaît bien la ville. En l'absence de campagne de terrain des cinq autres candidats, ceux qui se donneront la peine de payer un euro choisiront sans doute Martine Aubry, la seule en fait dont on sera vraiment venu leur parler.

20 heures, le porte-à-porte s'arrête. Les locataires vont passer à table, mieux vaut ne plus les déranger."

A.L



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