Paris Métropole : Une séance spéciale au Conseil Général le 12 juin

le 12 juin 2008 :: Au Conseil Général

Alors que le Président de la République tente de monopoliser ce sujet, il apparaît nécessaire pour les élus du département comptant le plus grand nombre d'habitants après Paris et les Hauts-de-Seine de débattre de la possible coopération métropolitaine en matière de logements, de transports et de solidarités.

Quelques jours seulement après l'élection du nouvel exécutif, le président Claude Bartolone avait indiqué sa volonté, notre volonté collective que le département s'empare pleinement de ce débat, quelque soient les difficultés qu'il comporte, quelque soient les risques - y compris politiques - qu'il recèle. Je me félicite que ce débat permette aux diverses sensibilités politiques représentées au sein du Conseil général d'échanger quant aux contours de cette structure en devenir.

Ce débat qui doit être mené au grand jour avec nos concitoyens est essentiel parce qu'il peut contribuer à façonner l'avenir de notre département et de ses habitants. C'est le sens de la séance qui s'est tenue ce matin au conseil général.

 

 

Je vous invite à prendre connaissance de mon intervention au nom des élus socialistes et gauche citoyenne du conseil général.

Monsieur le Président, Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord au nom des élus socialistes et gauche citoyenne de vous remercier Monsieur le Président pour l'organisation de ce débat, remercier notre collègue Daniel Guiraud pour la clarté et la qualité pédagogique de son exposé introductif. Quelques jours seulement après l'élection du nouvel exécutif, vous aviez indiqué votre volonté, notre volonté collective que le département s'empare pleinement de ce débat, quelque soient les difficultés qu'il comporte, quelque soient les risques - y compris politiques j'y reviendrai - qu'il recèle. Ce débat qui doit être mené au grand jour avec nos concitoyens est essentiel parce qu'il peut contribuer à façonner l'avenir de notre département et de ses habitants.

Pour que notre département ne soit pas - pour reprendre votre expression - « la variable d'ajustement », rien n'aurait été pire pour notre assemblée de donner le sentiment de subir ce débat. Je le dis : c'est le sentiment que notre département a parfois donné sur ces questions institutionnelles, sur ces questions d'organisation et de gouvernance, je pense notamment au moment de la loi de 1999 sur le renforcement de l'intercommunalité avec la création des communautés d'agglomération, même si je peux partager ce qui a été dit sur certaines limites de l'intercommunalité. Redonner un rôle, une identité aux départements, lutter contre le risque de morcellement dans la région capitale passe aussi par notre capacité collective à nous emparer pleinement de ces débats, qui sont tout sauf de simples débats de bonne administration, de bonne gouvernance. Ce sont d'abord et avant tout des débats fondamentalement politiques car ils mettent en lumière des inégalités sociales et territoriales considérables. Alors oui, l'échelon départemental s'il veut montrer qu'il a un rôle à jouer, qu'il est le territoire pertinent et l'acteur essentiel de l'équilibre entre solidarité et développement, alors ce débat nous devons l'investir pleinement. C'est, à quelques jours de la rencontre avec les autres départements, des assises de la métropole parisienne, un débat essentiel que permet notre séance d'aujourd'hui.

LA QUESTION METROPOLITAINE N'EST PAS POLITICIENNE

Depuis plusieurs mois en effet, la question de l'avenir de la métropole Paris-Ile-de-France est en débat. Un débat nécessaire au moment où les déséquilibres territoriaux se font plus criants, au moment où la crise énergétique et l'évolution du prix du baril de pétrole nous invitent à nous interroger sur la ville de demain, en matière d'aménagement, de déplacements et de développement durable. Pour justifier le soudain intérêt gouvernemental de relancer l'idée du Grand Paris ou de Paris Métropole à quelques mois des élections municipales, on a entendu les habituels spécialistes des slogans, des déclarations, des discours sur le déclin, et on y a eu le droit ce matin dans notre assemblée. L'idée a été accréditée que la région capitale souffrait d'un déficit d'attractivité faute d'un Paris suffisamment grand. D'abord, ce n'est pas ce que disent un certain nombre d'agences internationales. Puis ces discours masquent mal en réalité une petite tentative de manoeuvre politique que nous serions naïfs de ne pas voir. Chacun sait bien qu'il y a aussi des volontés de la droite sur la région, la ville de Paris, et désormais sur 5 départements qu'elle n'a pas été capable de reconquérir ou de conserver par les urnes en 2004 pour l'une, en 2008 pour les autres. Ce n'est donc pas une crise de croissance ou de décroissance que connaît la métropole francilienne, mais une crise d'identité. Alors que Paris n'a jamais été autant attentive à la banlieue que depuis 2001, la ville-centre, la ville lumière n'éblouit plus autant ses voisines qui, même imparfaitement, découvrent l'intercommunalité. Les départements - surtout ceux gérés par la Gauche ! - développent leur identité particulière par un dynamisme renouvelé. La région, depuis 1998, s'est construite une place originale, dans le soutien qu'elle apporte aux projets d'intérêt général. Malgré cela, la métropole francilienne a du mal à se situer. A la fois par rapport à la vitalité des métropoles de province et dans la concurrence avec les villes européennes. Mais fondamentalement ce qui mine un développement harmonieux de la région capitale ce sont les inégalités à la fois financières, sociales et spatiales.

LES ENJEUX METROPOLITAINS

La crise du logement ne débouche sur aucune solution concrète. Le chômage, la précarité et la pauvreté sont loin de reculer. L'Etat quant à lui godille entre décentralisation forcée comme celle des TOS ou des routes et recentralisation avec des « Opérations d'Intérêt National » gérées depuis quelques semaines par un secrétaire d'Etat régional, premier du genre. La seule question qui vaille est donc celle des objectifs que l'on veut atteindre. A cette étape, j'en vois au moins trois.

Les transports bien sûr. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord ou presque : cette question est centrale pour rendre attractif un département comme le nôtre. Il faut faire vite pour métrophérique. Les usagers de la ligne B du RER n'en peuvent plus des dysfonctionnements ; les lignes de métro sont saturées. Il est urgent de répondre, de trouver les financements et de se fixer un calendrier. Annoncer des réalisations dans 30 ou 50 ans n'a aucun sens pour nos concitoyens. La structure existe : c'est le STIF, on peut l'élargir aux déplacements mais surtout lui donner des moyens d'agir et d'agir vite.

Autre défi, le logement. Pour sortir de la crise actuelle, il faut construire massivement dans un contexte où les terrains sont à la fois rares et chers. Malgré toutes nos bonnes volontés, nous ne pourrons pas nous en sortir seuls chacun dans notre coin. Je me félicite que la nécessité pour le département de s'investir dans l'aide à la construction neuve soit désormais largement partagée mais je me souviens du travail de conviction qu'ont dû faire Gérard Ségura et notre groupe sur ces questions. Ce n'est pas donc d'abord d'une structure dont a ici besoin, mais de volonté et de courage politiques. C'est que l'Etat opérateur, l'Etat stratège joue son rôle, en faisant principalement respecter la loi, et en obligeant les communes à construire 20% de logements sociaux. Ensuite nous sommes prêts à débattre pour assurer la cohérence entre programmation de logements, développement de l'offre foncière et répartition de financements.

Enfin il faut en finir avec les profondes inégalités de ressources. Daniel Guiraud l'a rappelé, Paris et les Hauts-de-Seine bénéficient de 80% de la taxe professionnelle de la petite couronne pour 60% de sa population. La Seine Saint-Denis et le Val-de-Marne ne reçoivent, eux, que 20% de la taxe pour 40% des habitants de la première couronne. Une réforme de la fiscalité locale fondée sur la péréquation financière doit permettre la mutualisation des moyens. L'instauration d'une Taxe Professionnelle Unique est une solution pour partager les richesses. Et de ce point de vue, vous allez être surpris, je vais faire plaisir à notre collègue Katia Coppi : je vais rendre hommage au rapport Dallier ! Il a de mon point de vue un mérite mais un seul. C'est que la violence des réactions qu'il a suscitées chez ses propres amis de droite est indexée sur le niveau d'égoïsme du département des Hauts-de-Seine à partager sa richesse.

Ce sera le noeud du problème. Le Président de la République et son secrétaire d'Etat auront-ils la volonté, le courage, et se donneront-ils les moyens financiers d'arbitrer par exemple sur ces trois points et de s'élever au-dessus des contingences partisanes ou ce débat n'est-il que le Cheval de Troie contre les collectivités territoriales, majoritairement à Gauche ? L'avenir le dira.

CHICHE !

Alors, une fois que nous aurons partagé ce diagnostic, défini collectivement les objectifs que l'on veut atteindre, on peut parler institutions et gouvernance. Et alors, au nom des élus socialistes et gauche citoyenne, j'ai envie de dire « Chiche ». « Chiche » au Président de la République, « chiche » au gouvernement et à son Secrétaire d'Etat « au développement de la région capitale » ! « Chiche », nous sommes prêts à débattre. Sans être naïfs sur les intentions électoralistes au sein de la région Ile-de-France - je l'ai dit -, nous sommes même prêts à débattre de toutes les propositions y compris celles qui concernent les questions d'organisation administrative, de gouvernance des différentes collectivités territoriales au sein de la Région Ile-de-France. J'ai presque envie de dire que toutes les propositions sont négociables, y compris la perspective d'une structure nouvelle, à inventer, à construire, associant les différents niveaux de collectivités territoriales pour exercer à terme - pourquoi pas ? - en leur nom une responsabilité sur quelques compétences bien définies. Transports ou déplacements bien sûr, logement, développement économique et emploi, mais aussi développement durable, recherche et enseignement supérieur. Il est nécessaire sur ces thématiques fortes de définir enfin un lieu de décision et de responsabilité, un « chef de file » clairement reconnu auquel les citoyens justement exigeants pourront demander des comptes. Cet équilibre entre responsabilité et exigences est tout l'enjeu de ce débat.

Mais il existe selon nous, un seul point - un des seuls points - qui n'est pas négociable car il est la condition sine qua non d'un véritable changement : c'est un système de péréquation fiscale et de mutualisation financière. Car sans péréquation financière et taxe professionnelle unique, aucun débat n'aboutira tant sur le plan institutionnel que sur le plan politique et sur le plan économique.

J'ajoute un autre point qui pour nous est essentiel, c'est bien sûr le respect des citoyens et des élus du suffrage universel que nous sommes. C'est la raison pour laquelle toute nouvelle organisation de la métropole doit se faire dans un débat transparent avec la volonté - si l'Etat veut véritablement aboutir et ne pas rester au milieu du gué - de rechercher les volontés et un consensus politique large avec Paris, avec les conseils généraux, avec les maires, les agglomérations, avec la région et aussi avec les acteurs sociaux et les urbanistes. La modernité ce n'est pas la concurrence territoriale. La modernité ce ne sont pas des territoires riches, protégés et repliés côtoyant des poches de pauvreté qui ne cessent de s'agrandir et dont les explosions de colère seront d'autant plus fréquentes et plus intenses que les souffrances et les écarts de richesse iront grandissants. Non, la modernité c'est la coopération et la solidarité, le travail en commun, la transversalité, le respect des projets et des identités de chacun des territoires qui composent la métropole régionale.

UNE JUSTE PLACE POUR LA SEINE SAINT-DENIS

Après plusieurs réunions regroupant essentiellement des élus, la conférence métropolitaine réunira en juin des assises de la métropole parisienne. Elles seront l'occasion de porter le débat devant la population. Nous pouvons y porter cette vision nouvelle, cette ambition d'une métropole solidaire et attractive dans laquelle la Seine Saint-Denis pourra prendre toute sa place. Stigmatisé, parfois calomnié, notre département doit montrer ce qu'il apporte dès à présent à la France. Fort de sa diversité humaine et économique, il est aujourd'hui cette France qui se construit, qui veut avoir sa chance et obtenir sa juste place. Nous voulons réaffirmer à l'occasion de cette séance et dans les initiatives que vous prendrez, notamment la semaine prochaine avec les autres départements :
- notre attachement à la proximité, à la démocratie, à la transparence et à la participation des citoyens,
- la pertinence de l'échelon départemental comme acteur de l'équilibre entre solidarité et développement,
- la nécessité de lutter contre les inégalités sociales et territoriales, qui passe par une réforme de la fiscalité locale et de véritables dispositifs de solidarité financière en Ile-de-France,
- le besoin de s'engager dans des projets structurants (transports, déplacements, logement, développement économique et universitaire) dans le cadre d'un environnement respecté.

Je vous remercie.



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