Cachez ces quartiers populaires...

le 09 avril 2010 :: Dans la presse

Aujourd'hui, je vous invite à prendre connaissance de la tribune publiée par Libération et dans laquelle, avec Daniel Goldberg, nous montrons les procédés par lesquels la droite veut, de façon persistante, sous-représenter les quartiers populaires dans les assemblées locales et nationales.

Par Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis et Stéphane Troussel, vice président (PS) du Conseil général de Seine-Saint-Denis, tous deux conseillers municipaux de La Courneuve :

« La volonté de rencentralisation autoritaire de Nicolas Sarkozy qui ne conçoit aucun contre-pouvoir solide prend, depuis plusieurs années, différentes formes. Leur fil rouge concernant les modes de scrutin est la volonté répétée de sous-représenter, dans l'ensemble des assemblées, les zones urbaines en général, et les quartiers populaires en particulier. Ce n'est plus à démontrer avec le mode de composition du Sénat qui, s'il représentait les collectivités locales, ce qui est sa vocation première, devrait avoir une majorité de gauche. C'est également vrai des conseils régionaux, d'une manière plus insidieuse que nous avions dévoilée dès le changement opéré par le gouvernement Raffarin en 2003 (« La Loi du plus fort votant », Libération du 3 avril 2003).

En effet, depuis le scrutin de 2004, le nombre de conseillers régionaux issus d'un département, tout parti confondu, dépend du nombre de votants de ce département et non plus du nombre d'habitants qui y résident. La répartition des sièges, à l'intérieur d'une liste donnée, se fait en fonction du nombre des voix qu'elle a obtenues dans chaque département. Cet avantage accentue de fait la surreprésentation de certains secteurs de la société les moins en difficulté. Ainsi, les départements populaires qui ont une population plutôt jeune et mineure, ceux qui comportent une forte proportion d’étrangers, ceux dont les citoyens s'inscrivent peu sur les listes électorales ou qui déménagent souvent, ceux qui connaissent les plus fortes abstentions lors de scrutins, tous ces départements sont moins bien représentés dans les assemblées régionales. Ces départements populaires ont donc moins de voix - au sens propre ! - pour porter leurs paroles dans les conseils régionaux. Ainsi, en Île-de-France, il devrait y avoir 27 conseillers régionaux issus de Seine-Saint-­Denis, si ce département était représenté au prorata de sa population, comme c'était le cas jusqu'au scrutin de 1998. Le nouveau mode de scrutin mis en place par l'UMP à partir de 2004 a réduit sa représentation à vingt élus de 2004 à 2010, et même maintenant à dix-neuf élus pour le mandat qui commence, soit huit conseillers régionaux de moins issus de nos quartiers (à quoi s'ajoute le cas d'un candidat à Paris, que le PCF a déplacé entre les deux tours sur sa liste de Seine-Saint-Denis). Autant d'élus de moins pour siéger dans les conseils d'administration des lycées, des missions locales et des divers organismes qui existent, eux, en fonction du nombre d'habitants et où la place de la région est importante !

On pourrait croire que cela n'est que péripétie, surtout avec la mise en place annoncée des conseillers territoriaux si cette réforme arrive à son terme ! Mais, la volonté du gouvernement est sans doute d'aller plus loin. Alain Marleix, qui cumule les deux fonctions d'expert électoral de l'UMP et de secrétaire d'État chargé - essentiellement - des élections l'a confirmé récemment. Le 14 janvier dernier, lors du débat à l'Assemblée nationale sur le redécoupage partial des circonscriptions législatives qui porte sa marque, Marleix a déclaré qu'« il y a une anomalie liée à la comptabilisation des étrangers dans la population prise en compte en matière électorale » en prenant comme appui à sa démonstration les situations des quartiers populaires de Paris et de la Seine-Saint-Denis. Il souhaiterait que seuls les électeurs inscrits, et non plus les habitants, servent de base à l'élaboration des contours des circonscriptions. Qui serait donc « oublié » dans ce décompte : les étrangers, bien sûr, dans le cadre sans doute du débat sur l'identité nationale (!), mais aussi les mineurs et tous les citoyens français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales et tous ceux qui ne votent pas. On peut donc craindre que le choix opéré au moment des élections régionales de 2004 avec les résultats concrets décrits plus haut pourrait à l'avenir servir de modèle à d'autres types d'élections, comme celle du conseiller territorial, voire, celle des parlementaires. Bref c'est le retour à l'image « classes laborieuses, classes dangereuses » et la volonté de minorer artificiellement tout un pan de notre société, projet auquel la gauche et tous les démocrates devront s'opposer. »



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