Dans le car pour Vincennes

le 17 avril 2012 :: Elections

Aujourd'hui, je vous invite à prendre connaissance de l'article publié sur le blog du Monde Urbains sensibles d'Aline Leclerc et Elodie Ratsimbazafy, qui relate la participation de militants et sympathisants socialistes de La Courneuve au meeting de François Hollande à Vincennes le 15 avril.

"A Vincennes, pour les militants PS de La Courneuve, les jeux ne sont pas faits !"

Tout s'est organisé en quelques jours : louer un car, battre le rappel par SMS et téléphone pour le remplir, sans oublier ballons, badges, tee-shirts et affichettes aux couleurs de François Hollande pour égayer la petite troupe. Ce dimanche, à midi, premier succès : les 54 places assises se remplissent rapidement, on doit même prévoir quelques voitures balais.

Dehors, il souffle un vent glacé qui fait tournoyer les fleurs des cerisiers comme des flocons de neige. On avait rêvé d'un grand soleil comme celui qui a brillé pour Jean-Luc Mélenchon la veille à Marseille. On se console en se disant qu'il ne fera pas meilleur pour Nicolas Sarkozy à La Concorde. Le pique-nique qu'on avait prévu de manger sur les pelouses de Vincennes se partage joyeusement dans le car en attendant les retardataires : "Qui veut de la quiche ? Du riz au champignon ? Un verre de vin ?" L'ambiance est joyeuse : on gonfle les ballons, les unes lancent des youyous, les autres entonnent "La Victoire en chantant", et tous des "on va gagner". Il y a là des militants et des sympathisants de La Courneuve et de la ville voisine, Dugny, des jeunes et des vieux aux origines mélangées, à l'image des habitants de ces quartiers. Le car, plein, démarre. Une demi-heure d'un périphérique chargé sépare La Courneuve de la très chic Vincennes.

"C'est mon premier meeting, confie Francis Kourtel, sémillant retraité de 63 ans et militant PS depuis le mois de décembre. J'espère que François Hollande va un peu booster tout le monde. Parce que depuis plusieurs mois qu'on est sur le terrain, on s'aperçoit qu'il y a quelques petits relâchements quand on parle avec les gens : ils ne sont plus aussi sûrs de voter pour lui désormais. J'attends qu'il ait une phrase ou un geste fort qui marque les esprits". Sa compagne le tire par la manche : "Regarde un car du 27 ! Et là c'est de la Corrèze" Se reconnaissant aux affiches de François Hollande collées sur les vitres, les militants venus de toute la France se saluent d'un car à l'autre à l'approche du château.

"L'élan de la primaire, on ne l'a plus vu ensuite dans la campagne"

Casquette sur la tête, Claude Tomasso, 53 ans, coordinateur de travaux dans le BTP a adhéré au parti socialiste il y a 3 ans "pour faire changer les choses". Il vit sa première campagne présidentielle en tant que militant. "On est tous les samedis à distribuer des tracts, on fait aussi beaucoup de porte-à-porte. Mon credo à moi c'est d'avoir le maximum de contact avec les gens." Lui aussi sent un peu de mou dans la campagne. "Il y a eu un formidable élan au moment de la primaire socialiste, à l'automne. Mais à La Courneuve, les gens préféraient Aubry et disaient 'si c'est Hollande, je vote Mélenchon'. Cet élan, on ne l'a plus vu ensuite dans la campagne. Je suis sûr que ça va être très serré, pour le premier comme pour le second tour. C'est pas gagné ! reconnaît-il. Il faut qu'il y ait beaucoup de monde à Vincennes, pour que le rapport de force nous soit favorable".

"Elan", Jean-Moïse Saint-Hilaire, 22 ans seulement, choisi le même mot pour évoquer le bon souvenir de la primaire des 9 et 16 octobre. "A l'époque, même à l'UMP, ils étaient envieux de notre succès. C'est ça qui m'a motivé". Le jeune étudiant en droit de La Sorbonne entre à cette occasion en contact avec des militants socialistes. Lui qui avait déjà vibré au meeting de Ségolène Royal, en 2007, décide finalement de créer avec trois autres camarades la première section du MJS (Jeunes socialistes) à La Courneuve. "Mais je n'ai pas retrouvé ensuite l'élan de la primaire. C'est Mélenchon qui le porte aujourd'hui et c'est pour ça que les gens le rejoignent. Les jeux ne sont pas faits, même pour le premier tour."

Le car se gare derrière la soixantaine d'autres déjà présents un peu moins de deux heures avant le début du discours. Ça sent la grillade des grands rassemblements : de grands barbecues sont installés un peu partout. A leur arrivée, les militants s'inquiètent : l'esplanade n'est pas pleine. "Il faut vraiment qu'il y ait du monde, sinon on va se prendre les chiffres d'hier de Mélenchon en plein visage, remarque soucieux André Joachim, proviseur de lycée et président du parti socialiste de La Courneuve. Il nous reste une semaine, il faut vraiment qu'il mette du baume au cœur à tous les militants pour qu'ils aient du courage pour mobiliser encore dans la semaine qui reste".

Lui aussi a consacré nombre de ses soirées à faire du porte-à-porte, nombre de ses week-end à faire du tractage et sait que rien n'est gagné. "Beaucoup de gens ne voient pas le lien entre les grands discours et leur quotidien, explique-t-il. Ils évoquent leur loyer trop cher, leur chômage et nous disent 'qu'est-ce-qu'il peut faire pour moi ?' Dans nos quartiers populaires, il faut un gros travail de pédagogie pour traduire en des termes simples les grandes idées des discours ou du programme, comme le contrat de génération par exemple."

Alice et Fatna, 39 et 37 ans, sont venues avec leurs enfants, en tant que représentantes de parents d'élèves d'une école primaire du quartier des Quatre-Routes. Elles n'ont jamais voté mais devraient le faire le 22 avril, pour la première fois. "La vie dans notre quartier s'est franchement dégradée, on se fait agresser jusque devant notre porte. A l'école, les classes sont saturées et à la rentrée prochaine on ne sait pas comment accueillir les nouveaux élèves" explique Fatna. "Franchement, je ne suis pas sûre que François Hollande va nous apporter la sérénité que nous espérons mais nous voulons du changement. C'est le seul qui nous fait espérer" assène Alice.

Autour d'elles, l'espace s'est peu à peu rétréci à mesure que l'esplanade s'est comblée. Malgré le vent toujours glacial, les chanteurs de Kassav ont réussi à chauffer l'ambiance. François Hollande arrive enfin.

Il déclenche une première vague d'enthousiasme en lançant : "Je sens monter un grand espoir (...) L'espoir de la justice, de la jeunesse de France". On regarde Alice et Fatna manifester leur joie.

Quelques minutes plus tard : "Jusqu'au bout, j'irai chercher tous les électeurs pour les sortir de leur isolement et de leur repli". On pense à Francis, Claude et André, qui plusieurs fois par semaines sonnent et tambourinent aux portes pour distribuer le programme. 

On l'entend mettre en garde contre les "votes sans lendemains", ce vote Mélenchon qui inquiète Jean-Moïse.  "Il faut nous méfier de nous mêmes, repousser l'anesthésiante euphorie, cette anesthésie qui confond sondage et élection, pronostics et résultats", dit encore le candidat. On se dit que pour ça, il n'y a pas de risque, on n'a entendu personne dire "c'est gagné!"

Dans le car du retour, Francis concède qu'il n'a pas eu le bon mot ou geste qu'il attendait : "mais je l'ai trouvé plus mordant, c'est positif, y'avait du monde !" Jean-Moïse n'est toujours pas confiant : "Je vais commencer par regarder comment ça s'est passé à La Concorde ! Et puis je suis en vacances cette semaine, je vais pouvoir faire du porte-à-porte en fin de journée" André a retenu qu'"il ne dit pas que c'est fait, qu'il faut encore convaincre. On va s'employer à porter ce message". "Il a eu raison d'appeler à la nécessité de mobiliser dès le premier tour. Il va falloir y aller à fond cette semaine" confirme le conseiller général Stéphane Troussel qui prévoit déjà un courrier pour chaque boîte aux lettres. Il a le sourire : "Je l'ai trouvé bon aujourd'hui. Il a parlé égalité, justice. La gauche ne gagne que lorsqu'elle met ces valeurs au cœur de son discours. Si nos quartiers vont voter, ça devrait bien se passer". Pas euphoriques les militants. Motivés.

A.L



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