Médias et quartiers populaires : changer la donne

le 09 octobre 2012 :: Tribune libre

Presse & Cité organisait lundi et mardi la seconde édition de son Université des Banlieues et de la Communication à l'espace Guy Môquet à La Courneuve, sur le thème des Technologies de l’Information et de la Communication au service des associations et acteurs des quartiers.

Lors de la clôture de la première journée, je suis intervenu sur un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur: l'image des quartiers populaires véhiculée par les médias. Leur représentation est le plus souvent réduite au seul traitement des faits divers. Résultat : ils sont perçus à travers un prisme déformant, celui de la violence ou de la misère. C’est particulièrement vrai en Seine-Saint-Denis, territoire que les médias affectionnent tout autant que les ministres pour cette mauvaise raison qu’il garantit la bonne photo ou le papier facile à proximité de la capitale. Mais où est la réalité de notre département, celle que tous, parents, jeunes, enfants, salariés, retraités, élus, vivons au quotidien ?

En guise de réponse, les deux intervenants qui ont précédé mon propos ont assumé un rôle en décalage avec les médias traditionnels. Militant américain au Parti démocrate et « community organizer », Maze Jackson (ici en photo à mes côtés) a expliqué comment tirer parti des réseaux sociaux pour donner un écho au message ou aux idées que l’on défend, selon une idée simple : indépendamment de ses moyens, la multitude peut déplacer des montagnes. Le quartier des Quatre-Routes a d’ailleurs fourni une petite démonstration de ce principe via son blog. Le co-fondateur de Rue 89, Pierre Haski, a quant à lui présenté la singularité de ce site d’information dont le contenu se construit dans une interactivité permanente avec les lecteurs, témoignage d’une nouvelle forme de journalisme en marge des vieux schémas. C’est malheureusement une exception dans le vaste panorama des médias de masse.

En montrant les effets tout en évitant de penser les causes, ce traitement médiatique trahit la mission d’information qui est celle du journaliste. Pour comprendre la vie des quartiers populaires, il faudrait au contraire opposer la normalité à l’exceptionnalité, l’exigence d’objectivité à la facilité des clichés. A cet égard, l’expérience journalistique menée par la journaliste Aline Leclerc et la photographe Elodie Ratsimbazafy, que je tiens à saluer de nouveau, a été exemplaire : pendant deux ans, elles ont partagé la vie des habitants du quartier des 4000 à La Courneuve, rencontré des « citoyens ordinaires dans leur ordinaire », dont elles ont brossé le portrait au fil des mois sur leur blog Urbains sensibles. Je vous invite d’ailleurs à les retrouver ce vendredi 12 octobre à la libraire courneuvienne La Traverse à l’occasion de la sortie du livre Une année (formidable) en France.

En tant que président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, je sais combien est grande la tentation de véhiculer un discours focalisé sur les difficultés, car il est aussi la condition d’une écoute de l’Etat. Nous devons toutefois nous montrer vigilants : la réalité de la Seine-Saint-Denis est composite. Nos prises de paroles doivent se faire l’écho de toutes les nuances qu’elle recèle. C’est toute l’idée de ce blog, qui vise, en se faisant le reflet d’actions locales et de volontés fortes tendues vers l’amélioration du quotidien, à participer à l’élaboration d’un discours alternatif.



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